Infractions aux règles de concurrence : Qui est responsable ?

Lorsque l’auteur d’une infraction fait l’objet d’une fusion-absorption, la sanction de ces faits peut être imputée à la société absorbante, en raison des pratiques restrictives de concurrence imputables à la société absorbée.

C’est ce qu’a jugé, à plusieurs reprises, la Cour de Cassation.

Mais c’est là faire supporter à autrui les conséquences d’un fait dommageable, dont en théorie, il ne doit pas répondre, car nul ne peut être punissable que de son fait personnel.

Cette responsabilité du fait d’autrui a appelé naturellement une question prioritaire de constitutionnalité, car la solution retenue par la Cour de Cassation semble en contradiction avec les dispositions de l’article 9 de la déclaration des droits de l’homme de 1789, qui disposent que tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, ce dont il se déduit que nul n’est punissable que de son propre fait.

La Société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONALE a posé la question que la Cour de Cassation a décidé de soumettre au Conseil Constitutionnel.

Dans sa décision du 18 mai 2016, après analyse des faits, il rappelle qu’il résulte des dispositions des articles 8 & 9 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 que nul n’est punissable que de son propre fait et que ce principe s’applique aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi à toute sanction ayant un caractère de punition.

Cependant, il ajoute qu’en dehors du droit pénal, ce principe peut faire l’objet d’adaptations si elles sont justifiées par la nature de la sanction et par l’objet qu’elles poursuivent, et qu’elles sont proportionnées à cet objet.

Puis, considérant que l’amende civile, qui peut être imposée en cas d’infraction aux règles du droit de la concurrence à la sanction d’une nature pécuniaire, il en déduit que le principe énoncé ci-dessus lui est applicable

Cependant, il légitime la position de la Cour de Cassation qui permet de faire supporter à la société absorbante l’amende dont serait normalement redevable la société absorbée en raison de ses pratiques.

Il justifie sa décision en relevant tout d’abord que, suivant les dispositions de l’article L.442-6 du Code de Commerce, « l’auteur » de l’infraction est tout producteur, commerçant, industriel, personne immatriculée au registre des métiers, et que la loi se réfère à des activités économiques quelle que soit leur forme.

Le raisonnement parait cependant assez court pour justifier le transfert d’une obligation incombant à une entreprise à une autre entreprise.

Le conseil ajoute que l’objet des sanctions est de préserver l’ordre public économique, et que l’absorption d’une société par une autre n’a pas pour conséquence de mettre fin aux activités qui se poursuivent.

En d’autres termes, c’est l’activité qui serait sanctionnée, ce qui reviendrait à sanctionner une situation de fait, quelle que soit l’importance du système qu’elle porte.

Il en fallait donc un peu plus pour justifier le raisonnement, car ce sont les personnes physiques ou les personnes morales qui, normalement, doivent être sanctionnées.

Le Conseil Constitutionnel épuise alors son raisonnement en affirmant péremptoirement que seule la personne bénéficiaire de la transmission du patrimoine d’une entreprise dissoute est susceptible d’encourir l’amende.

Il en conclut que les dispositions soumises à son examen ne portent pas atteinte à la constitution.

On peut comprendre les raisons sous-jacentes qui justifient cette décision du Conseil Constitutionnel mais on regrettera surtout de ne pas y voir un raisonnement convaincant.

 

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