Responsabilité de la banque – Déchéance du droit des intérêts

La loi du 1er août 2003 a introduit, dans le Code de la Consommation, une disposition qui interdit à tout créancier professionnel de se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné (L.341-4 du Code de la Consommation)

Cet article ne s’applique pas aux cautionnements souscrits avant son entrée en vigueur.

Il est donc important de rappeler que les cautions, qui ne peuvent en bénéficier, peuvent néanmoins mettre en cause la responsabilité du banquier, si celui-ci a commis l’imprudence d’accepter un engagement qui était disproportionné au moment de sa souscription.

Cette solution n’est pas nouvelle. Mais parce que beaucoup de cautionnements ont été souscrits avant le 1er août 2003, l’arrêt que vient de prononcer la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation, le 14 janvier 2010 (08-17-719), mérite d’être souligné.

Sous le visa de l’article 1147 du Code Civil, la 1ère chambre reproche à la Cour d’Appel d’avoir rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la caution, qui se plaignait d’avoir souscrit un engagement disproportionné, de ne pas avoir vérifié, comme elle l’y était invitée, si les revenus du garant n’étaient pas disproportionnés au montant de son engagement.

Cet arrêt mérite aussi d’être souligné, car pour apprécier la disproportion, il ne se réfère qu’aux revenus de la caution au moment de la souscription de l’engagement, alors que l’article L.341-4 du Code de la Consommation se réfère aux biens et aux revenus de la caution.

En réduisant l’assiette sur laquelle la disproportion s’apprécie, la responsabilité du banquier peut être plus facilement mise en cause.

Mais, ce serait une erreur de considérer que la responsabilité contractuelle du banquier serait plus favorable que les dispositions issues de la loi du 1er août 2003. Car il faut le rappeler, la Cour de Cassation n’a jamais considéré que le préjudice, dont la caution peut demander la réparation, se confond avec le montant des sommes qui lui sont réclamées. Aussi, même si la banque a commis l’erreur d’accepter un engagement disproportionné, la caution risque d’être tenue de payer une partie des sommes dont elle est redevable.

La sanction de l’article L.341-4 est bien plus radicale. Si l’engagement de caution est disproportionné, le créancier professionnel ne peut s’en prévaloir. La caution est donc de fait déchargée de son engagement.

Le 2ème intérêt de cet arrêt est de rappeler que tout créancier professionnel, conformément à l’article 341-6 du Code de la Consommation, doit informer la caution, chaque année avant le 31 mars, du montant en principal et des intérêts dus par le débiteur au 31 décembre de l’année précédente.

Cet article est également issu de la loi du 1er août 2003. Il s’applique aux engagements de caution, même souscrits avant sa date d’entrée en vigueur.

Ainsi, les créanciers professionnels, dont la créance est garantie par des engagements de caution souscrits avant le 1er août 2003 doivent, tous les ans, informer les cautions.

La banque, à qui il a était reproché de ne pas avoir appliqué cette disposition, avait cependant soutenu avec succès, devant la Cour d’Appel que cette obligation légale ne s’appliquerait pas, dès lors que le prêt qu’elle avait accordé était d’un montant supérieur à 21.500,00 €.

Cette somme correspond au seuil à partir duquel les dispositions du Code de la Consommation ne s’appliquent plus aux prêts que les banques accordent (L.311-3 et D.311-1 du Code de la Consommation).

La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel en affirmant péremptoirement que l’article L.341-6 du Code de la Consommation s’applique à tous les cautionnements.

Le premier intérêt de cet attendu est de rappeler la place de l’article L.341-6 du Code de la Consommation.

Cet article est inscrit dans les dispositions générales du Code de la Consommation relatives au cautionnement et non dans les dispositions spécifiques des crédits à la consommation ou des crédits immobiliers.

C’este donc justement que la Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel, puisque celle-ci s’était référée aux dispositions particulières applicables aux crédits à la consommation.

Mais la portée, peut-être plus originale et importante de cet arrêt, est de révéler, une nouvelle fois, le maelstrom qui entoure le droit du cautionnement. Car si l’obligation d’information annuelle est énoncée par l’article L.341-6 du Code de la Consommation, elle figurait déjà dans l’article L.313-22 du Code Monétaire et Financier, qui impose aux établissements de crédit d’informer les cautions qui garantissent les prêts qu’elles accordent, tous les ans avant le 31 mars, du montant des sommes restant dues au 31 décembre.

Dès lors que dans l’espèce soumise à la Cour de Cassation, c’est un prêt qui avait été accordé, il aurait été logique d’appliquer ces dispositions particulières au droit des crédits.

Mais en jugeant que l’article L.341-6 s’applique à tous les cautionnements, la Cour de Cassation non seulement rappelle que le banquier est un créancier professionnel, mais encore et surtout que l’article L.341-6 du Code de la Consommation peut s’appliquer cumulativement avec l’article L.313-22 du Code Monétaire et Financier.

La solution est originale et sans doute inattendue. Elle montre combien le droit du cautionnement est empêtré dans de multiples dispositions de plusieurs codes.

Espérons que la simplification des règles de droit qui nous est promise, permettra un jour d’éviter que les règles applicables à un engagement soient autant dispersées qu’elles le sont aujourd’hui pour le cautionnement.

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