Contrat de vente : Obligation de conseils du vendeur

Le vendeur professionnel est tenu à une obligation de conseils à l’égard de ses clients.

Il est depuis longtemps admis que toute personne, qui est tenue à une obligation de cette nature, doit rapporter la preuve de son exécution.

Rien donc de surprenant à ce que la Cour de Cassation, dans un arrêt du 28 octobre 2010 (09/16913), rappelle cette solution désormais acquise. Mais cet arrêt va beaucoup plus loin. Il casse un arrêt de la Cour d’Appel qui avait rejeté l’action en dommages et intérêts qu’un particulier avait exercée contre un vendeur de carrelage en lui reprochant de lui avoir vendu un matériau, qu’il avait posé sur le pourtour de sa piscine, dont les propriétés s’étaient révélées incompatibles avec le traitement de l’eau de la piscine.

Pour motiver sa décision, la Cour d’Appel a reconnu que le vendeur de carrelage est tenu d’une obligation de conseils, mais que corrélativement, l’acheteur doit informer son vendeur de l’usage particulier auquel il destine les matériaux acquis.

Les devoirs de l’acheteur ont déjà été reconnus par plusieurs décisions. Mais la Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel sous le double visa des articles 1147 & 1315 du Code Civil.

Elle rappelle, sans innover en la matière, que le vendeur professionnel a une obligation de conseils et qu’il doit rapporter la preuve de son exécution.

Mais « déroulant » en quelque sorte le contenu de cette obligation, elle ajoute que le vendeur doit s’informer sur les besoins de l’acheteur afin de pouvoir le renseigner plus précisément, notamment sur l’adéquation ou l’inadéquation du matériau qu’il vend aux besoins particuliers que son client souhaite satisfaire.

Que l’obligation de conseils nécessite une information n’a rien de nouveau ni d’original. On ne peut utilement conseiller qu’en se renseignant préalablement.

Il n’est pas non plus illégitime de mettre à la charge du vendeur professionnel l’obligation de s’informer sur le besoin propre que son client doit satisfaire.

L’appréciation de ce besoin ne peut résulter du présupposé qu’il est générique ou naturellement conditionné par les qualités propres du produit, car l’acheteur ne les connait pas naturellement.

Mais, ce que cet arrêt porte en germe, c’est un déséquilibre trop important entre les obligations du vendeur et celles de l’acheteur, au travers de l’éviction implicite des devoirs de ce dernier d’informer loyalement son vendeur.

Car on ne peut exclure que l’acheteur ne révèle pas un besoin spécifique ou qu’il soit peu prolixe dans la réponse aux questions que lui posera son vendeur pour s’informer de ses besoins.

Tant pis alors si le vendeur découvre à postériori le besoin spécifique qu’il n’aura su identifier. Il risque d’être déclaré responsable de ne pas avoir réellement conseillé même s’il a loyalement essayé de se renseigner !

Faut-il alors inviter les vendeurs professionnels à s’abstenir de vendre à leurs clients peu bavards, ou faut-il, en inversant la logique énoncée dans cet arrêt, inviter tous les vendeurs professionnels à une sorte de prudence schizophrénique dont l’expression pourrait consister à faire préciser par l’acheteur, sur le bordereau de commande, le besoin à satisfaire ou à faire dire à l’acheteur par une mention type le besoin qu’il est censé satisfaire ?

Il faut espérer que l’on n’en arrivera pas là. Mais il faut aussi espérer que les devoirs de l’acheteur seront rappelés, car il n’y a pas réellement de droits sans devoir corrélatif.

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