Contrat divisible ou indivisible

Il est fréquent de financer la « détention » de certains biens au travers d’un contrat de location. Qu’il s’agisse de voiture, de photocopieur ou de tout autre matériel, celui qui veut en avoir l’usage peut en faire le choix auprès d’un vendeur, puis faire financer ce choix au moyen d ‘un contrat de location conclut avec un établissement bancaire.

Il y a alors deux contrats. Le premier lie le vendeur à l’établissement bancaire, et le second lie ce dernier à l’utilisateur du bien.

Cette dualité n’est pas toujours perçue par l’utilisateur. Mais il suffit que le bien loué présente un défaut pour qu’elle retrouve sa réalité et ses travers.

Le locataire d’un bien qui ne peut plus l’utiliser sera tenté de ne plus payer les loyers, car dans son esprit, il ne peut y avoir de location, sans un usage effectif du bien loué.

Malheur à son ignorance, car la banque lui rappellera que c’est lui qui a fait le choix du bien loué, et que si celui-ci présente un défaut, il doit exercer des recours contre le vendeur sans pour autant suspendre le paiement de ses loyers.

Pour déjouer ce vilain tour du sort, notre locataire, qui bien souvent aura lu le contrat de location qu’il a signé avec une excessive confiance, va alors tenter de se transformer en juriste avisé et essayer de démontrer que s’il ne peut plus avoir l’usage du bien loué, le contrat de location n’a plus de « cause », ce qui le dispense de toute obligation.

Le contentieux dans ce domaine est important. Les établissements financiers, qui pratiquent ces opérations, ont depuis longtemps paré cette difficulté en introduisant des clauses dans leurs contrats. Ces clauses excluent toute indivisibilité entre l’achat du bien et la location. Si le matériel utilisé présente un défaut, l’éventuelle résolution de la vente n’aura pas pour effet de libérer le locataire de ses obligations. Il devra donc toujours payer le loyer.

 

Mais si par bonheur, le contrat de location ne comporte pas de clauses qui excluent expressément l’indivisibilité entre les deux contrats, le locataire peut tenter sa chance. C’est ce qu’a essayé de faire le malheureux utilisateur d’un site internet. Pour financer l’usage de ce site, il avait conclu une convention de location avec une société de crédit. La société qui avait créé le site, à la suite d’une mise en liquidation judiciaire, avait cessé de fournir ses prestations.

Le malheureux locataire se retrouvait donc avec un site non utilisable et l’établissement financier qui lui réclamait le paiement de ses loyers.

Pour se défendre de cette injustice, il prétendit que les deux contrats étaient liés et que l’arrêt des prestations du créateur du site faisait perde toute cause au contrat de location.

Après avoir échoué dans sa démonstration, le locataire porta le différend devant la Cour de Cassation qui, dans son arrêt du 28 octobre 2010 (0968014), a rejeté son pourvoi.

L’intérêt de cet arrêt résulte de l’interprétation donnée aux clauses du contrat de location. Tout comme la Cour d’Appel, la Cour de Cassation retient que plusieurs clauses du contrat de location rendaient celui-ci « divisible » du contrat signé avec le créateur du site. Ainsi, parce que l’utilisateur avait fait le choix du créateur du site, qu’il était mandaté par la société financière pour exercer tout recours contre ce créateur en cas de différend, il dispensait cette dernière de toute obligation en cas d’immobilisation temporaire du site pour quelque cause que ce soit.

Approuvant la motivation de la Cour d’Appel, la Cour de Cassation en déduit que celle-ci « a souverainement dégagé la commune intention des parties de rendre divisible les deux contrats ».

Avec cet arrêt, qui retient la divisibilité même en l’absence de clause expresse, les futurs utilisateurs de biens, qui souhaitent financer leur usage au travers d’un contrat de location, devront être plus vigilants. Mais il est peu probable qu’ils parviendront à introduire une clause d’indivisibilité dans les contrats qui les lient avec les établissements financiers. Leur attention devra porter sur le mode de financement et sur la qualité du prestataire.

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