Preuve : Affaire des écoutes, suite

La Cour de Cassation a déjà eu l’occasion d’affirmer que les écoutes téléphoniques, qui sont faites à l’insu de toute personne, ne peuvent être utilisées à titre de preuve.

Elle vient de le réaffirmer de la manière la plus solennelle. C’est en effet par un arrêt de l’assemblée plénière du 07 janvier 2011 (0914316) que la plus haute formation de cette Cour, en vertu des dispositions de l’article 8 du Code de Procédure Civile, de l’article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, vient de juger que « l’enregistrement d’une communication téléphonique réalisée à l’insu de l’auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve ».

Cet arrêt prend toute sa portée en regard du contexte de cette affaire et des moyens soutenus.

Le conseil de la concurrence avait sanctionné une pratique illicite, dont la preuve avait notamment été établie par des enregistrements téléphoniques effectués à l’insu de leurs auteurs.

La société aux dépens de laquelle ces enregistrements avaient été effectués avait demandé qu’ils soient écartés des débats, en vertu du principe de loyauté.

Le conseil de la concurrence avait rejeté cette demande. La Cour d’Appel, saisie d’un recours contre sa décision, l’avait confirmée pour deux motifs.

Elle avait tout d’abord considéré qu’en regard des buts poursuivis par le conseil de la concurrence, la fin pouvait justifier les moyens. Car les décisions du conseil de la concurrence ont pour but d’assurer « la protection de l’ordre public économique ».

D’autre part, la Cour d’Appel avait retenu que le principe de loyauté ne suffit pas en soi à écarter un enregistrement téléphonique effectué à l’insu de la personne enregistrée. Il faudrait concrètement démontrer que cet enregistrement a porté atteinte aux droits à un procès équitable.

En cassant la décision de la Cour d’Appel, la plus haute formation de la Cour de Cassation écarte ces moyens et fait du principe de la loyauté dans l’administration de la preuve un principe absolu auquel ne peuvent déroger ni la légitimité des fins poursuivies, ni l’absence avérée d’une atteinte aux droits à un procès équitable.

On ne peut que s’en féliciter car le principe de loyauté à une valeur morale suffisamment claire pour justifier en soi la condamnation de certaines pratiques.

On retiendra également de cet arrêt que les dispositions du Code de Procédure Civile sont applicables aux contentieux des pratiques anticoncurrentielles, à moins que le Code de Commerce n’y déroge expressément.

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