Preuve : Secret des correspondances et droit à la preuve

L’article 9 du Code Civil protège la vie privée en reconnaissant à chacun le droit de la faire respecter. Ce droit s’étend à la protection des correspondances.

Cette protection est à l’origine d’une opposition d’intérêts qui peut se résumer dans cette question : Est-il possible d’établir la preuve d’une situation de fait dont pourrait découler des conséquences de droit en utilisant une correspondance qui a trait à la sphère de la vie privée ?

Si l’on préserve la vie privée de manière absolue, la réponse sera assurément non. Car tout usage de correspondance, qui aurait trait à la vie privée, violerait les dispositions de l’article 7 du Code Civil.

Mais n’est-il pas injuste de se priver de la possibilité de faire usage de ces correspondances pour établir la preuve d’un droit qui peut être tout aussi légitime que la protection de la vie privée ?

C’est à cette question délicate que la Cour de Cassation répond dans un arrêt du 05 avril 2012 (11-14177).

Un litige d’ordre familial opposait les membres d’une fratrie. L’un de ces membres souhaitait utiliser une correspondance pour établir la preuve d’une donation immobilière.

La Cour d’Appel ordonna le retrait de cette correspondance des débats, car faute d’avoir été communiquée avec l’autorisation des membres de la fratrie et du rédacteur de la lettre, elle conduirait à violer la vie privée.

La Cour de Cassation casse cet arrêt en reprochant à la Cour d’Appel de ne pas avoir recherché si la communication de cette lettre n’était pas indispensable à l’exercice « du droit à la preuve » de celui qui la produisait, et si sa communication n’était pas proportionnée « aux intérêts antinomiques en présence ».

La Cour de Cassation tente ainsi d’établir un équilibre entre le droit à la preuve et le respect de la vie privée. Mais la définition de cet équilibre reste un point délicat.

Pour contrebalancer le respect dû à la vie privée, le droit à la preuve ne peut être invoqué que si les pièces produites sont indispensables et proportionnées aux intérêts opposés.

Ce sont les Tribunaux de première instance et les Cours d’Appel qui devront, au cas par cas, vérifier si ces conditions sont réunies et les mesurer pour trouver un juste équilibre entre le droit à la preuve et le droit à la vie privée.

Bien d’autres questions se grefferont sans doute sur cette recherche d’un équilibre fluctuant. En particulier lorsque les correspondances qui auraient trait à la vie privée auront été recueillies par des procédés déloyaux, le droit à la preuve devrait légitimement s’éclipser derrière un autre débat : la loyauté des preuves.

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