Saisie conservatoire : Peut-elle entraîner une condamnation

La réponse à cette question est apportée par l’article 73 de la loi du 09 juin 1991, qui est aujourd’hui codifiée sous l’article L.512-2 du Code de Procédure Civile d’Exécution.

Lorsque la main levée d’une saisie conservatoire est ordonnée par le Juge, le créancier qui en a obtenu le bénéfice peut être condamné à réparer le préjudice provoqué par cette saisie.

Mais pour que cette condamnation soit prononcée, faut-il établir la preuve d’une faute du créancier en démontrant qu’il aurait commis une légèreté blâmable ou un abus de droit.

L’article L.512-2 du CPCE ne répond pas à cette question de manière directe. En précisant cependant que le créancier « peut être condamné », il induit que cette condamnation n’est pas automatique et que le fait d’avoir effectué une saisie conservatoire ne constitue pas en soi une faute.

Tout serait donc affaire de circonstance et en particulier il faudrait peut-être distinguer selon que la saisie conservatoire a été autorisée par le Juge ou qu’elle a été aite sans son intervention.

Dans le premier cas, il pourrait paraître plus difficile de reprocher au créancier d’avoir effectué une saisie que le Juge a autorisée, à moins de démontrer que pour obtenir cette autorisation, le créancier a usé d’artifices pour convaincre le Juge de l’autoriser à l’effectuer.

Dans le deuxième cas, l’initiative de la saisie incombant au seul créancier, on pourrait admettre que s’il fait un usage abusif de son droit, il peut commettre une faute.

La Cour de Cassation vient de clarifier ce débat dans un arrêt du 25 septembre 2012 (11-22337). Elle retient que la condamnation à dommages et intérêts n’exige pas la constatation préalable d’une faute. Elle refuse ainsi de casser un arrêt de Cour d’Appel qui avait condamné le créancier à payer des dommages et intérêts en raison de la saisie conservatoire qu’il avait faite sans avoir préalablement caractérisé l’existence d’un abus de droit.

Cet arrêt peut apparaitre sévère surtout lorsque la saisie a été autorisée par le Juge et qu’il n’apparait pas que celui-ci, pour l’autoriser, aurait été trompé par le créancier.

Cependant, il ne faudrait pas en déduire qu’à chaque fois que la main levée sera ordonnée, le créancier qui a effectué une saisie conservatoire sera condamné à des dommages et intérêts. Car il faut une condition préalable. La main levée doit être ordonnée par le Juge. Il ne peut le faire qu’à la condition qu’il soit démontré que les conditions de la saisie conservatoire n’étaient pas réunies. C’est l’examen de ces conditions qui pourra ensuite justifier éventuellement une condamnation du créancier à payer des dommages et intérêts, si la saisie a provoqué un préjudice.

Le Juge aura à ce sujet une grande liberté d’appréciation, car il disposera d’une double faculté. La condamnation n’est pas en effet automatique.

D’autre part, elle n’est pas subordonnée, suivant l’arrêt que vient de prononcer la Cour de Cassation, à l’existence d’une faute préalable.

Sous réserve que l’existence d’un préjudice soit établie, il disposera ainsi d’un pouvoir souverain d’appréciation qui lui permettra de considérer les intérêts en présence.

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