- 23 octobre 2015
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Ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’un dirigeant d’une personne morale placée en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire : Les éclaircissements du Conseil Constitutionnel
Le Conseil Constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité qui porte sur l’article L.624-5 du Code de Commerce dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 18 septembre 2000.
Cet article autorisait le Tribunal, en cas de redressement judiciaire ou liquidation judiciaire d’une personne morale, à ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l’égard de tous dirigeants de droit ou de fait contre lesquels certains faits pouvaient être relevés, dont le fait d’avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, ou encore d’avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des éléments comptables, ainsi que d’avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière.
Le contrôle de la constitutionnalité portait sur la conformité de ces dispositions en regard de l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme, qui dispose que la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et que nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit.
Le contrôle de la constitutionnalité portait également sur la conformité de l’article L.624-5 en regard des articles 2 & 17 de la déclaration des droits de l’homme qui font du droit de la propriété un droit inviolable et sacré.
Selon l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité, le fait de pouvoir ouvrir une procédure collective à l’égard du dirigeant de droit ou de fait d’une Société serait de nature à porter atteinte à ce droit de propriété.
Le Conseil Constitutionnel a répondu à cette question en rejetant partiellement ces critiques.
Il a tout d’abord jugé que la faculté réservée au Tribunal d’ouvrir une procédure collective à l’égard d’un dirigeant de droit ou de fait ne constitue pas une punition au sens de l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme, et qu’en conséquence, il n’avait pas à vérifier si l’ouverture de cette procédure constituait une sanction strictement et évidement nécessaire.
Il a ensuite rejeté la plupart des griefs portant sur l’atteinte aux droits de la propriété en précisant que le législateur peut, dans un but d’intérêt général, justifier l’ouverture d’une procédure collective à l’égard d’un dirigeant de droit ou de fait, dès lors qu’elle est destinée à faciliter l’apurement du passif, favoriser la continuation de l’entreprise ou le désintéressement des créanciers et n’a pas un caractère automatique, puisqu’elle ne peut être ouverte que si certains faits peuvent être reprochés au dirigeant que ces faits sont limitativement énoncés par la loi, et qu’ils sont de nature à avoir contribué à l’insuffisance d’actifs.
Pour ce motif, le Conseil Constitutionnel retient tout d’abord qu’il n’y a pas d’atteinte manifestement disproportionnée aux droits de propriété dans cette faculté d’ouvrir une procédure collective.
Mais pour les mêmes motifs, il déclare partiellement inconstitutionnelles les dispositions de l’article L.624-5 qui autorisent l’ouverture d’une procédure collective dans deux cas, soit avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables, soit encore d’avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière.
Pour le Conseil Constitutionnel, ces faits n’étant pas en eux-mêmes de nature à avoir contribué à l’insuffisance d’actifs, en autorisant néanmoins l’ouverture d’une procédure collective contre le dirigeant de droit et de fait, il porte une atteinte disproportionnée à l’objectif d’intérêt général qui a inspiré l’article L.624-5.
Cette décision est importante et intéressante. Car si l’article L.624-5 ne s’applique plus aux procédures nouvellement ouvertes depuis la réforme des procédures collectives, l’actuel article L.653-5 du Code de Commerce permet de prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale et/ou personne physique exerçant une activité commerciale ou artisanale, ou une activité professionnelle indépendante, notamment si elles ont fait disparaître des documents comptables ou n’ont pas tenu une comptabilité ou qu’elles ont tenu une comptabilité fictive ou manifestement incomplète.
Certes, la faillite n’entraîne pas l’ouverture d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire du dirigeant de droit ou de fait. Mais elle a des conséquences extrêmement lourdes, dont la constitutionnalité peut justifier un examen. Car de même que l’absence de comptabilité ne pouvait en soi expliquer une insuffisance d’actifs, ce qui justifie la déclaration d’inconstitutionnalité du Conseil Constitutionnel, il n’y a pas nécessairement de lien entre le fait d’avoir tenu une comptabilité fictive et l’arsenal des sanctions qui peuvent être prononcées en cas de faillite