- 29 octobre 2015
- Actualités , Droit des contrats , Jurisprudence
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Donation : Droit de retour
Chacun connait l’adage « donner c’est donner, reprendre c’est voler ».
Les donations sont ainsi normalement irrévocables. Mais l’irrévocabilité a ses limites.
Donner un bien à son ou ses enfants, c’est non seulement faire preuve de générosité, mais c’est aussi assurer la transmission de son patrimoine à sa filiation.
Si le ou les bénéficiaires de la donation décèdent sans héritier direct, on peut comprendre que les donateurs veuillent récupérer le bien donné pour en assurer la transmission d’une autre manière.
Mais comment le faire alors que le bien a été donné ?
La pratique notariale a développé le retour conventionnel, qui permet au donateur de reprendre le bien donné en cas de décès du donataire sans postérité directe.
La loi du 23 juin 2006 a introduit dans le Code Civil un article 738-2, qui ajoute aux clauses de retour conventionnel, un retour dit légal.
Lorsqu’un enfant a reçu un bien de son père ou de sa mère, et qu’il décède sans postérité, si ses parents, ou l’un d’entre eux, sont encore vivants à la date de son décès, ils peuvent exercer ce droit de retour.
Mais les parents peuvent-ils par anticipation renoncer à l’exercice de cette faculté ?
C’est à cette importante question que répond la Cour de Cassation dans un arrêt du 21 octobre 2015, en ordonnant à cette occasion le retour conventionnel et légal.
Des parents avaient donné à leur fille une maison et un terrain. Cette donation comportait une clause de retour en cas de décès de leur fille avant qu’ils ne décèdent l’un ou l’autre, ou ensemble.
Cette clause de retour était conventionnelle, car la donation était antérieure à la loi de 2006.
Ultérieurement, les parents renoncèrent à cette faculté de retour.
Leur fille décéda avant eux et institua son frère en qualité de légataire de la totalité de ses biens, en réservant cependant un droit d’usufruit à ses parents sur la maison qu’ils lui avaient donnée.
Les parents contestèrent ce testament et exercèrent leur droit de retour légal.
Ce droit de retour pouvait-il être exercé alors qu’il faisait l’objet d’une convention qui non seulement l’avait créé, mais l’avait ensuite supprimé ?
Saisie de ce différend, la Cour d’Appel d’Agen jugea que la renonciation au droit de retour était licite et irrévocable.
La Cour de Cassation casse fermement cet arrêt par un motif dont la portée est importante. Car elle juge qu’une renonciation au droit de retour conventionnel est sans effet sur le droit de retour légal.
Elle précise, dans ses motifs, que le droit de retour légal est un droit de nature successoral et qu’on ne peut y renoncer avant l’ouverture de la succession.
En pratique, cet arrêt ne sonne donc pas totalement la mort du droit de retour conventionnel, mais il limite singulièrement la possibilité d’y renoncer après l’avoir institué. Car il laisse subsister le retour légal auquel on ne peut renoncer qu’après le décès.