Gage sur stock : Fin du 1er acte

Sur la base des travaux de la commission Grimaldi, l’ordonnance du 23 mars 2006 a modifié le droit des sûretés.

L’un des objectifs de cette ordonnance étant, entre autres, de moderniser et de rendre plus compétitif ce droit, notamment pour les sûretés mobilières.

Il était apparu ainsi nécessaire de créer un gage sans dépossession portant, entre autres, sur les stocks à l’image du « Security Interest« , institué par l’article 9 du Code de Commerce uniforme des Etats Unis d’Amérique.

Ce gage était perçu comme un nouvel outil à la disposition des entreprises afin de faciliter l’accès aux crédits.

L’ordonnance du 23 mars 2006 a ainsi créé un gage sur stock qui est régi par les articles L.527-1 à L.527-11 du Code de Commerce.

Le Code Civil a également été nourri par cette ordonnance. Ses articles 2333 & suivants permettent de constituer un gage sans dépossession, sur les meubles corporels.

Deux possibilités semblaient donc s’offrir aux entreprises pour garantir les crédits qui sont nécessaires à leur exploitation : soit créer un gage dit « de droit commun », soumis aux dispositions du Code Civil sans dépossession du bien gagé, soit constituer un gage sur stock soumis aux dispositions du Code de Commerce.

Les deux régimes ne se confondent pas.

– Car si dans l’un et l’autre d’entre eux l’absence de dépossession est possible, elle est la règle pour le gage sur stock, mais n’est qu’une faculté pour le gage de droit commun.

– D’autre part, les gages sur stock sont réservés aux établissements de crédit ou aux sociétés de financement.

Le gage de droit commun  est consenti au profit de tous créanciers.

– Le gage sur stock interdit le pacte compromissoire qui permet aux créanciers, s’ils ne sont pas payés, de devenir conventionnellement propriétaires des biens qui leur sont donnés en garantie.

Le gage du droit commun n’interdit pas l’existence de ce pacte (art. 2348 du Code Civil).

Ces différences donnent un avantage au gage de droit commun.

Mais peut-il être utilisé alternativement ou cumulativement avec le gage sur stock ?

C’est sur cette question que la chambre commerciale de la Cour de Cassation s’est prononcée par un arrêt du 19 février 2013.

Cassant l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris, la chambre commerciale a jugé que lorsque le gage est consenti sans dépossession sur du stock au profit d’une banque, il ne peut être constitué que dans les conditions énoncées par le Code de Commerce.

Le gage sur stock apparaissait ainsi comme un gage spécial, exclusif du gage de droit commun, qui a pour conséquence d’entraîner l’annulation du gage sur stock constitué au profit d’une banque dans les conditions énoncées par le Code Civil et non dans celles qui sont énoncées par le Code de Commerce.

En cassant l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris, les praticiens savent que la Cour de Cassation devait renvoyer les parties devant une juridiction dite « du fond », pour qu’elle statue à nouveau.

C’est la Cour d’Appel de Paris, autrement composée, qui a été désignée pour statuer après cet arrêt.

La Cour a fait preuve de résistance et a refusé de s’incliner devant l’arrêt de la Cour de Cassation en jugeant, par arrêt du 27 février 2014, que le gage sur stock n’est pas exclusif du gage de droit commun et que la banque, au profit de laquelle un gage a été constitué sans dépossession, a donc pu légalement constituer cette garantie dans les formes et conditions énoncées par le Code Civil.

Le pourvoi formé contre cet arrêt appelait une réponse de l’assemblée plénière de la Cour de Cassation.

C’est ce qu’elle a fait dans son arrêt du 07 décembre 2015 en jugeant que lorsque le gage est constitué sans dépossession au profit d’un établissement de crédit, et qu’il porte sur le stock, il ne peut être soumis au droit commun. Il doit nécessairement se soumettre aux dispositions qui sont énoncées dans le Code de Commerce.

Dans la note explicative de son arrêt, la Cour de Cassation justifie cette décision en relevant que plusieurs dispositions du Code de Commerce révèlent la spécificité du régime du gage sur stock et l’impossibilité de le soumettre aux règles du droit commun.

Elle constate ainsi, que certaines dispositions de la loi sur le gage sur stock sont d’ordre public, ce qui interdit toute dérogation à ce régime.

L’interdiction du pacte commissoire en est la marque.

Elle relève, en outre, la spécificité de ce régime qui ne porte que sur des stocks, et au profit de créanciers particuliers que sont les établissements de crédit et les sociétés de financement.

Elle en déduit que ce régime correspond à des impératifs économiques qui ne permettent pas aux établissements de crédit ou aux sociétés de financement, dont les crédits sont garantis par un gage sur stock sans dépossession de recourir à un autre régime que le régime spécial institué par le Code de Commerce.

Est-ce la fin de cette discussion ?

Le rôle de la Cour de Cassation n’est pas de se substituer aux juridictions du fond. La Cour de Cassation renvoie ainsi une nouvelle fois les parties pour qu’il soit à nouveau statué, mais cette fois devant la Cour d’Appel de Versailles, qui devrait s’incliner. Le bouleversement n’est donc pas à attendre d’elle. Il le sera sans doute davantage de la réforme du gage sur stock. Car la loi du 06 août 2015 autorise le Gouvernement à réformer ce droit pour le rapprocher du droit commun, notamment en permettant la conclusion d’un pacte commissoire.

L’ordre public, qui a guidé l’assemblée plénière de la Cour de Cassation dans son analyse du régime de droit commun et du régime particulier du gage sur stock, ne sera peut-être plus l’argument qui justifiera la distinction de ces deux formes de sûreté.

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