Impression d’un email à l’insu de son destinataire

Un salarié qui imprime un email qui ne lui est pas destiné peut être condamné pour vol.

Nous avions déjà abordé la question du vol d’information dématérialisée à l’occasion d’un article précédent.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 24 janvier 2018 permet de revenir sur cette notion qui s’inscrit dans un courant jurisprudentiel désormais affirmé.

Une société (que nous nommerons la société A) avait développé un système d’étanchéité de cuves destinées à être placées sur des navires. Sa construction fut confiée à une entreprise spécialisée (la société B).

La technologie s’avéra défectueuse et provoqua de sérieuses difficultés, frais et retards subies par ce constructeur qui engagea une procédure d’arbitrage afin d’obtenir la réparation de son préjudice.

Sa demande fut rejetée par le Tribunal arbitral puisque la société B ne démontrait pas la défectuosité de la technologie. Mais, elle soutenait que cela était dû à une dissimulation volontaire de documents par la société A.

De ce fait, elle a introduit un recours en annulation contre la décision de l’arbitre.

A cette fin, le constructeur fit appel à un consultant chargé d’entrer en contact avec des proches de la société A. Ce fut à cette occasion qu’un de ses anciens collaborateurs communiqua des emails à la juridiction chargée de conduire l’instruction.

La société A déposa plainte avec constitution de partie civile à l’encontre de l’informateur indélicat qui a été jugé coupable de vol avant de porter le litige devant la Cour de cassation.

L’arrêt est intéressant car il analyse la présence de chaque élément nécessaire à la constitution du délit de vol : une soustraction frauduleuse de la chose d’autrui.

Avant tout, l’immatérialité de cette chose, en l’occurrence de l’email, ne pose aucune difficulté puisque la Cour de cassation admet dorénavant que la chose subtilisée puisse être incorporelle.

Passée cette difficulté, il convenait de démontrer que l’email n’appartenait pas à l’ex employé. Or, à l’instar de l’arrêt que nous avions précédemment commenté, il soutenait que l’accès au document était libre. Pourtant, ce message ne lui était pas personnellement adressé mais était destiné à deux membres de la direction. Il ne pouvait se l’approprier.

Enfin, le délit ne pouvait être retenu sans une intention frauduleuse. Elle fut déduite de la date d’impression des documents, époque à laquelle il savait qu’un litige opposait les deux sociétés protagonistes. Il avait donc pleinement conscience des conséquences néfastes qu’engendrerait son acte.

Après avoir vérifié ces points, la Cour de cassation confirma la condamnation pour vol. Le geste fut loin d’être anodin et valut six mois d’emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d’amende.

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