- 21 juin 2019
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Liquidation judiciaire – vente d’un immeuble et protection du logement de la famille
Le logement de la famille fait l’objet de dispositions particulières.
Les devoirs et les droits respectifs des époux sont définis dans un socle commun aux différents régimes matrimoniaux.
Outre l’obligation de secours, d’assistance et de fidélité, l’article 215 du code civil oblige les époux à une communauté de vie.
Cette communauté, sans exclure l’existence de domiciles distincts, s’établit là où la famille choisit de vivre.
Le logement sur lequel ce choix se fixe bénéficie d’une protection particulière qui est destinée à préserver les intérêts familiaux.
Quelle que soit la nature des droits qui portent sur ce logement, aucun des époux ne peut, sans le consentement de l’autre en disposer.
Cette protection s’applique également aux meubles meublants, qui garnissent la résidence familiale.
Si l’un des époux, en dépit de cette interdiction cède le logement de la famille sans le consentement de son conjoint, celui-ci peut, dans l’année du jour où il a eu connaissance de cet acte, en demander l’annulation.
Ces dispositions sont-elles applicables lorsque l’un des époux fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ?
Dans un arrêt du 03 avril 2019, la Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence qui avait jugé que l’article 215 n’est pas applicable lorsque la vente est poursuivie par le liquidateur judiciaire de l’un des époux.
Les faits étaient les suivants :
Les époux étaient propriétaires, en indivision, d’un logement qui constituait la résidence de la famille.
L’époux ayant fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur demanda la liquidation partage de cette indivision, et la vente de l’immeuble.
Pour casser l’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence, la Cour de Cassation juge que l’article 215 alinéa 3 du Code Civil s’applique à la demande de partage d’un bien indivis, même si cette action est exercée par le mandataire liquidateur de l’époux.
Cette solution peut paraître surprenante. Car le domicile conjugal serait en quelque sorte un obstacle à la vente des actifs d’une personne qui fait l’objet d’une liquidation judiciaire.
Or sauf cas d’insaisissabilité, tous les biens d’une personne en liquidation judiciaire peuvent être vendus afin de payer son passif.
La Cour de Cassation l’a rappelé explicitement dans son arrêt du 4 juillet 1978 en jugeant que sauf cas de fraude, les dispositions l’article 215 alinéa 3 du code civil sont inopposables aux créanciers d’un co-indivisaire qui, pour recouvrer leur créance, demandent le partage et la licitation du bien sur lequel leur débiteur à des droits indivis .
L’arrêt de la Cour de Cassation ne s’explique en réalité que par une situation inédite.
Au lieu d’exercer les pouvoirs propres que la loi lui confère dans l’intérêt des créanciers, le mandataire liquidateur a exercé les droits de son débiteur .
En soi , son action n’était pas pour autant condamnée par avance. Car la Cour de Cassation a également jugé que les dispositions de l’article 215 alinéa 3 du code civil ne font pas obstacle à une demande en partage des biens indivis par un co-indivisaire.
Mais, c’est à la condition que les droits sur le logement de la famille soient préservés.
Or comme le relève la Cour de Cassation dans son arrêt du 3 avril 2019, le mandataire-liquidateur avait demandé la licitation du bien indivis en un seul lot, ce qui compromettait inévitablement la préservation du logement de la famille.
S’ils avaient demandé, à supposer que cela fut possible, la licitation en plusieurs lots et que les modalités de cette licitation préservent le logement de la famille, sa demande n’aurait pas été rejetée.
La demande en partage et licitation d’un bien indivis, dans lequel est situé le logement de la famille, relève ainsi d’un compromis entre la nécessité de préserver ce logement , la sauvegarde des intérêts de chaque co-indivisaire et de leurs créanciers.