- 2 septembre 2020
- Banque , Cautionnement , Jurisprudence
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Nullité de l’engagement de caution et intérêt social
Les engagements d’une société doivent être conformes à son objet social et à son intérêt social.
Ces deux notions ne se confondent pas. Elles ne s’appliquent pas non plus dans les mêmes termes aux sociétés à responsabilité illimitée et aux sociétés à responsabilité limitée.
Ainsi pour les SARL à l’égard des tiers ,conformément aux dispositions de l’article L223- 18 du code de commerce la société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances.
Pour les sociétés civiles en revanche, conformément à l’article 1849 du Code civil à l’égard des tiers, le gérant engage la société uniquement pour les actes qui entrent dans l’objet social.
Cette différence s’explique par des obligations auxquelles les associés sont tenus dans l’une et l’autre de ces sociétés.
En revanche, sur l’intérêt social, le régime applicable à l’une et l’autre de ces sociétés se recoupe.
Les actes qui compromettent l’intérêt social peuvent être annulés.
Il faut à cet égard rappelé que l’ordonnance du 10 février 2016 avait modifié l’article 1145 du Code civil en limitant la capacité des personnes morales aux actes utiles à la réalisation de l’objet social.
Cette rédaction a été heureusement modifiée par la loi du 20 avril 1998. Car comment apprécier l’utilité. Un critère aussi flou serait source d’insécurité juridique à l’égard des tiers.
La loi du 22 mai 2019 ,dite loi Pacte, a cependant modifié l’article 1833 du Code civil. Elle a ajouté un alinéa qui précise que la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité.
Cette disposition s’applique à toutes les sociétés .L’unité est ainsi assurée entre les sociétés à responsabilité illimitée et limitée.
Mais la violation de l’intérêt social reste régie par les principes définis par la jurisprudence. Elle ne constitue pas en soi une cause de nullité des engagements qui y contreviendraient.
C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 16 octobre 2019.
La validité d’un engagement de caution était contestée au motif qu’il serait contraire à l’intérêt social de la société qui l’ avait souscrit.
Ce moyen n’ayant pas été retenu par la cour d’appel, la caution devant la Cour de cassation, a soutenu que les dispositions de l’article L223-18 du code de commerce qui ne concernent que l’objet social, ne peuvent s’étendre à l’intérêt social et que dès lors les tiers ne peuvent se prévaloir d’un engagement qui porterait atteint à cet intérêt.
Elle a encore soutenu qu’il importerait peu que le tiers est eu connaissance ou pas d’une contrariété à l’intérêt social mais que l’absence de communauté d’intérêts entre les sociétés, suffisait à présumer l’anormalité de son engagement.
La Cour de cassation a rejeté son pourvoi en approuvant la cour d’appel d’avoir jugé que la contrariété à l’intérêt social ne constitue pas elle-même une cause de nullité.
Pour contester l’engagement qu’elle avait signé, la société aurait dû démontrer que l’engagement qu’elle avait pris était de nature à lui causer un préjudice dont la preuve aurait dû être rapportée concrètement et non par une simple référence à des principes généraux.
Un arrêt du 14 février 2018 illustre ainsi les conditions dans lesquelles la violation de l’intérêt social peut être de nature à entraîner la nullité d’un engagement de caution.
La Cour de cassation a en effet approuvé une cour d’appel d’avoir annulé un engagement de caution souscrit par une SARL, après avoir concrètement apprécié les conséquences de cet acte au regard de son étendue et de ses effets sur l’activité, s’il avait été mis à exécution.
Pour les sociétés civiles il en est de même. (Voir notre commentaire d’e l’arrêt du 14 février 2018, du 25 juin 2018.)
Il faut ainsi au cas par cas, vérifier si l’acte contesté a porté atteinte à l’intérêt social.
Les liens de proximité, qui conduisent par une sorte d’anthropomorphisme non avoué à confondre l’intérêt de sociétés unies par des liens de capitaux à des liens de famille, dont le principe de solidarité serait la clé de voute, ne sont pas en soi suffisants pour démontrer que l’intérêt social n’a pas été violé.
Car ils reposent sur une sorte de postulat que chaque Société trouve un intérêt dans les actes ou les actions des autres sociétés du groupe.
On ne s’étonnera donc pas que la Cour de Cassation, dans un arrêt du 14 février 2018, a cassé un arrêt de la Cour d’Appel de Fort de France.
Pour valider la sureté qu’une Société civile immobilière avait donnée sur son immeuble, en garantie du remboursement d’un prêt consenti à une autre société, la Cour d’appel avait déduit l’existence d’un intérêt social d’une communauté d’intérêt, après avoir relevé que l’une et l’autre appartenaient au même groupe familial et que l’immeuble donné en garantie accueillait le siège social de la Société à qui un prêt avait été consenti.
La Cour de Cassation juge que ces motifs sont impropres à caractériser la conformité de l’engagement à l’intérêt social.
Elle relève à cet égard, que l’immeuble donné en garantie constituait le seul patrimoine de la Société civile immobilière, et que celle-ci n’avait tiré aucune contrepartie de son engagement.
L’intérêt social ne peut donc se déduire de grandes déclarations ou du postulat que les liens qui existent entre plusieurs sociétés suffisent à légitimer les engagements que les unes prennent au profit des autres.