Solidarité entre les acquéreurs de droits sociaux

La cession de parts de société peut être convenue au profit d’un ou plusieurs acquéreurs.

Lorsque la cession est établie au profit de plusieurs acheteurs et que les uns et les autres bénéficient d’une garantie de passif, existe-t-il une solidarité entre eux ?

La question peut se révéler essentielle lorsque la garantie de passif, ce qui est le cas le plus général, est limitée dans le temps.

Si l’un des acquéreurs l’invoque en exerçant une action, les autres acquéreurs peuvent-ils s’en prévaloir et échapper ainsi à la prescription qui pourrait alors leur être opposée s’ils présentent leur demande après l’expiration du délai jusqu’auquel elle pouvait être introduite ?

Si les acquéreurs bénéficient d’une solidarité dite « active », tout acte qui interrompt ou suspend la prescription à l’égard de l’un d’entre eux profite aux autres.

La prescription ne pourrait donc être opposée à un acquéreur qui se serait manifesté tardivement si préalablement la garantie a été invoquée par un autre acquéreur dans le délai convenu.

En matière commerciale, la solidarité, suivant une règle non écrite, était présumée.

C’est en vertu de cette présomption que l’acquéreur de parts invoquait une solidarité avec un autre acquéreur pour contester la prescription qui était opposée à son action.

La Cour d’Appel de Bordeaux saisie du litige a approuvé son analyse. Mais la Cour de Cassation, dans son arrêt du 26 septembre 2018, a cassé sa décision.

Sous le visa de l’article 1197 du Code Civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, elle juge que la solidarité active ne se présume pas.

En sera-t-il de même pour la solidarité passive ?

Cette solidarité, depuis l’ordonnance du 10 février 2016, est régie par l’article 1313 du Code Civil.

Cet article fait lui-même partie d’un paragraphe 1er, dont l’article 1310 dispose que la solidarité est légale ou conventionnelle et qu’elle ne se présume pas.

La comparaison entre ces dispositions et celles qui ont précédé l’ordonnance du 10 février 2016 ne semble pas apporter d’innovation, car l’article 1202 du Code Civil, qui a été intégré dans le chapitre II intitulé « la solidarité de la part des débiteurs » disposait également que la solidarité ne se présume point, ce qui n’avait pas interdit en matière commerciale d’en reconnaitre l’existence.

La matière commerciale continuera-t-elle de déroger à cette règle ?

On peut en douter car l’ordonnance du 10 février 2016 introduit dans le Code beaucoup de principes généraux de droit qui résultaient de la jurisprudence de la Cour de Cassation.

En ne prévoyant aucune disposition dérogatoire à l’absence de présomption de solidarité on peut penser que le législateur a peut-être souhaité supprimer la solidarité qui était présumée en matière commerciale.

Il faudra attendre que la Cour de Cassation se prononce pour en être certain.

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