Le secret des affaires et le secret professionnel à l’épreuve de l’article 145 du CPC

L’article 145 du Code de Procédure Civile permet avant tout procès de saisir le Juge des référés en lui demandant d’ordonner des mesures d’instruction qui peuvent, notamment, porter sur la communication de pièces.

Ces demandes sont subordonnées à l’existence d’un intérêt légitime.

Mais seules peuvent être ordonnées les mesures légalement admissibles.

La confidentialité ou le secret sont parfois invoqués pour s’opposer à une demande de communication de pièces.

La Cour de Cassation a déjà jugé que le secret professionnel ne constitue pas en lui-même un obstacle, pas plus que le secret des affaires.

C’est ce qu’elle vient de rappeler dans un arrêt du 03 novembre 2016 (15-20495) dans un conflit qui portait sur l’exploitation de brevets.

Saisi par voie de requête, le président du Tribunal de Commerce avait ordonné à un huissier de se faire remettre et conserver, sous séquestre, des documents sur un support informatique.

Considérant que cette décision outrepasserait les droits du président du Tribunal, ainsi que l’étendue des mesures d’instruction qui peuvent être ordonnées, les Sociétés, à qui cette mesure faisait préjudice, demandèrent au président du Tribunal de rétracter sa décision, ce qu’il refusa, tout comme la Cour d’Appel qui fût saisie d’un recours contre son ordonnance.

Dans son arrêt du 03 novembre 2016, la Cour de Cassation rejette le pourvoi et se prononce sur différents aspects des mesures d’instruction qui peuvent être ordonnées en application de l’article 145 du Code de Procédure Civile.

Elle juge ainsi que la Cour d’Appel a qualifié les demandes, dont le président du Tribunal de Commerce a été saisi, de demandes de constatations qui sont, pour la Cour, des mesures d’instruction.

Les mesures d’instruction, qui traditionnellement sont demandées à un président, portent sur la désignation d’un expert ou toute autre investigation qui renvoie nécessairement aux termes de « mesures d’instruction » énoncées par l’article 145 du Code de Procédure Civile.

La constatation, même par un huissier, dans une interprétation littérale de l’article 145 pouvait ne pas être considérée comme une mesure d’instruction.

Mais la Cour d’Appel a retenu que cette mesure, qui est prévue par l’article 249 du Code de Procédure Civile, est une mesure d’instruction.

Cette qualification est difficilement contestable, car indépendamment de précédents sur le sujet, les constatations figurent dans le chapitre 5 du sous-titre 2 du Code de Procédure Civile intitulé « des mesures d’instruction ».

Il faut donc retenir que tout ce qui peut être ordonné en vertu de ce sous-titre peut faire l’objet d’une demande en application de l’article 145 du Code de Procédure Civile.

La Cour de Cassation se prononce ensuite sur le secret des affaires et le secret professionnel qui étaient opposés par les Sociétés qui avaient saisi le président du Tribunal de Commerce d’une demande de rétractation.

Elle rappelle que l’un et l’autre de ces secrets ne constituent pas en soi un obstacle à une mesure d’instruction. Rien de nouveau donc dans ce rappel. Mais la Cour de Cassation prend le soin de préciser à nouveau que les communications entre avocats bénéficient d’un secret particulier, dont elle a jugé, il y a peu, qu’elles bénéficient d’un secret absolu.

Par ailleurs, la Cour de Cassation, dans un de ses attendus, précise que la mesure d’instruction demandée ne portait atteinte ni aux principes de proportionnalité, ni aux libertés fondamentales.

L’affirmation est importante car ce moyen n’avait pas été invoqué pour contester l’ordonnance du président du Tribunal de Commerce.

Il constitue une voie qui pourrait devenir l’un des moyens les plus importants dans ce débat sur les mesures d’instruction légalement admissibles.

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